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Gamin, il aimait dessiner, user et abuser de crayons pour donner
des couleurs à la vie. Entré dans le monde du travail où il a embrassé
diverses professions qui n’avaient rien à voir avec l’art, le pinceau
et la palette l’ont vite rattrapé. Sorte d’addiction hyperpositive.
Le soir, la nuit offrant des ambiances particulières, lors des vacances,
chez lui, puis dans son atelier qu’il a aménagé ensuite, il a créé
un territoire coloré personnel. En plus de 35 ans, Claude Rochet s’est
constitué une fabuleuse réserve de toiles, a peint 800, 900 ou 1 000
œuvres, qu’importe. Il en a sélectionné cinquante qui seront présentées
du 1er au 8 décembre à la Maison Clémangis, tous les jours de 14 à 18 heures.
L’occasion de découvrir un univers, un monde de couleurs proposé par
cet artiste discret et attachant qui a présidé « Peintres en
Champagne » pendant sept ans. De sa toute première toile, il a
beaucoup appris en termes d’exigence.
Proposer
des émotions
à
partager
« Cette notion augmente au
fur et à mesure que l’on apprend, c’est un moteur, une sorte de ligne
d’horizon qui s’éloigne »,
insiste le peintre qui a reproduit des minois à ses débuts, des
portraits, oui, avant d’entamer un vrai travail de recherche et de
cheminement personnel où l’occasion lui a été donnée de reproduire
des sensations et des émotions sur la toile, surfant alors sur la réalité
et l’abstraction, sur ces limites, pardon ces frontières qu’il a su
parfaitement maîtriser au fil du temps. « J’ai toujours su
retirer ce qui était inutile afin d’aller à l’essentiel pour
conserver des émotions à partager »,
explique avec pudeur cet artiste qui s’est offert le luxe d’utiliser
des matières sortant de l’ordinaire : du papier crépon ou encore
du sable des terres bretonnes de Madame.
Une
sensation
de
toucher particulier
Le sable ? Drôle d’idée ? Eh bien non, il permet
des imbrications, des vibrations, des rencontres, un toucher, aux frontières
du sensuel sur certaines productions. Sur tous les tableaux signés Claude
Rochet, les jeux de lumières et les formes jouent la carte de
l’harmonie et la magie de la nuit où il passe à l’action, opère sur
l’imagination déjà débordante de cet artiste qui a exposé dans de
grandes galeries. Dans son acte de création transpire enfin la
personnalité de ce Châlonnais tantôt calme, hyperactive ; comme
une juxtaposition de styles musicaux vous baladant d’un univers jazzy au
requiem de Beethoven. Et tout comme Picasso repeignant sur certaines de
ses toiles, Claude Rochet a suivi le maître, et en fait de même
quelquefois. Sorte de symbolique momification offrant un fond et une
nouvelle vie. Bravo l’artiste.
David Zanga
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A la limite de l'abstraction
Une peinture figurative, parfois à la
limite de l'abstraction qui semble extrêmement simple à déchiffrer.
Mais c'est se tromper que de penser que la première lecture suffit.
Non, l'œuvre de Claude Rochet est beaucoup plus complexe. Regarder,
bouger devant la toile et porter un autre regard et ce n'est plus la même
chose qui se dévoile au public. La peinture parait vibrer, les choses
les plus simples comme un instrument de musique prennent une autre
dimension. C'est alors une femme qui se découvre enfin, un portrait.
Ailleurs une peinture, dans l'esprit d'une sculpture et ce sont tous nos
repères qui sont bousculés. C'est aussi un flou volontaire comme pour
mieux découvrir l'aspect figuratif de la toile.
Les thèmes chers à Claude Rochet
sont divers. Les paysages accueillant en majorité un objet rythmant le
temps par exemple, des natures mortes qui vivent grâce à une ambiance
très personnelle, des portraits parfois masqués, comme par pudeur. Sa
peinture étonne, puis fascine. Elle accroche le public tout en lui
laissant l'imaginaire.
Denis Barbier (journal "l'Union")
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CLAUDE ROCHET : COULEURS, MUSIQUE ET LUMIÈRE
L'oeuvre de Claude ROCHET est une
explosion de couleurs dans un flot de lumière,
le tout enveloppé par
une belle harmonie linéaire, que souligne un trait souple et maîtrisé.
Sa peinture est une véritable musique de chambre accordée sur une fréquence
émotionnelle et vibratoire.
Elle est une élévation chromatique, un point d'orgue pour le regard.
Pour l'amateur averti, cheminer parmi les oeuvres de Claude ROCHET,
c'est lire une véritable partition de bonheur mélodique.
"De
la musique avant toute chose", nous disait Paul Verlaine,
notre
peintre en a merveilleusement interprété le message,
tout chez lui
contient le rythme d'un bleu qui frémit pour un rouge, d'un jaune qui
s'accouple à un rose,
de la mélodie d'un mauve pour une touche noire
et de la poésie d'un ocre brun pour une note carminée.
Oui, c'est une véritable peinture musicale!
Mais notre peintre ne serait-il pas un amoureux de Rostropovitch?
Michel BENARD 09/07/2005
Lauréat de
l'Académie française
Chevalier dans l'Ordre des Arts
et des Lettres
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Claude Rochet, un aventurier de l’éternel en peinture.
La peinture de Claude Rochet est si éclectique
qu’elle ne peut que laisser de prime abord perplexe. Le peintre est-il
un « touche à tout » sans ligne directrice ou ces
explorations sont-elles le fruit d’une démarche esthétique
volontariste ?
Des nus aux tableaux abstraits
en passant par les natures mortes, rien des classiques
« genres » picturaux n’est étranger à l’art de Claude
Rochet. Cependant, le peintre ne se dissout pas dans une variété
disparate voire désordonnée. Même s’il n’a pas
réellement de « périodes » juxtaposables aux genres, on
peut sans grand doute se dire que la quête esthétique –
au « hasard » des formes qu’elle prend – se
lit sans trop de difficultés pour
qui est sensible non pas tant aux péripéties
individuelles des envies, des rencontres
ou des alibis créatifs qu’aux réels
motifs esthétiques structurants de l’œuvre.
De quoi s’agit-il
donc lorsqu’il s’agit de quête
esthétique ? Quelques constantes
permettent d’approcher une réponse plausible.
Claude Rochet répugne aux fonds figurés.
Le fond est en général un camaïeu de teintes (comme les ocres,
les verts, les oranges et les rouges vifs surtout) ou une sorte
d’amalgame éraflé, rayé, altéré, écaillé de ces teintes. On se
représente volontiers un mur vieilli, négligé, oublié par les hommes
mais pas par le temps. Et c’est de cet amalgame de couleurs usées
et/ou entremêlées que surgit une forme, anthropomorphique ou plus
simplement d’objet, pour la peinture pseudo figurative, qui
vient comme « déchirer » le fond et
s’imposer par dessus avec une force qui est celle de
l’urgence. Alors, ce fond est-il un inconscient sur lequel la
forme se forme et où la peinture naît ? Oui si l’on accepte
l’idée que chez le peintre, le matériau
porte en lui une charge inconsciente propre, si
l’on s’accorde pour dire que le matériau
collé, rapporté, rapiécé, marouflé sur la toile est comme un voile
qu’il convient de mieux déchirer ensuite pour se remémorer et
la naissance (thème central chez Claude
Rochet) et le Surmoi contre lequel on lutte.
A l’inverse d’un peintre « renaissance », CR établit
avec certitude que la toile est finalement ce qu’il faut non pas
couvrir de formes mais « découvrir » de ses voiles qui en
interdisent l’accès. Curieuse propension finalement
à une désacralisation de la toile quasi
systématique. Les instruments de musique, les poissons, les pots,
les bouteilles sont autant de contenants à l’intérieur
desquels nous n’avons jamais accès (on n’entend pas
la musique, les poissons ne sont pas vidés, les bouteilles
non plus…) et qui disent plus leur expression d’un « en
dedans » de la toile à laisser surgir. Pas de mise en abyme du
fond et de la forme mais au contraire une lutte
omniprésente entre le fond et la forme qui s’excluent l’un
l’autre. Rien du fond (au sens perspectiviste) ne permet
d’atteindre le fond des sujets du premier plan. Et rien de la
forme des objets du premier plan ne semble émaner d’un
fond (au sens symboliste) qui est comme toujours là
sans être jamais révélé.
Alors, le spectateur est invité à se dire que le fond de la toile –
aux deux sens du terme !!!- lui est à jamais interdit. Et ce pour
une seule raison : le temps passe et altère
l’œuvre, écaille la peinture , décolle les
enduits, transforme tout en sable et
poussière (inlassablement collés sur la toile), absorbe tout (comme le
buvard lui aussi marouflé), recouvre tout (comme le
papier peint des murs ou la rouille ou le plâtre) et rien
de l’œuvre ne semble pouvoir survivre si ce n’est cette
obstination à le retenir en en mimant la déréliction permanente.
Alors, enfin, la quête éperdue de Claude Rochet se résume ainsi :
comment dire l’éternel de la fin de tout si ce
n’est en désacralisant ce qui est sacré : l’espace plan
de la toile si profond pourtant.
Pascal VEY
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